Le trouble de la personnalité limite est causé par une combinaison complexe de facteurs génétiques, sociaux et psychologiques. Toutes les théories modernes s'accordent à présent pour affirmer que plusieurs causes doivent interagir pour que le trouble se manifeste et que plusieurs facteurs de risque y sont associés. Les facteurs de risque comprennent ceux qui sont présents à la naissance, qu'on appelle le tempérament, les expériences vécues pendant l'enfance et les influences subies dans l'environnement.
A. Tempérament biogénétique inné
Le pourcentage de facteurs innés, appelé aussi « niveau d'hérédité » à la base du trouble de la personnalité limite, serait de 68% et est à peu près semblable à celui du trouble bipolaire. Ce qu'on croit être héréditaire n'est pas le trouble comme tel, mais les prédispositions biogénétiques, c'est-à-dire le tempérament. En d'autres mots, le trouble de la personnalité limite ne se développe que chez les enfants nés avec un ou plus des trois tempéraments indiqués: le dérèglement de l'affect, l'impulsivité et l'attachement perturbé. Cela les prédispose à éprouver des problèmes liés aux émotions, à l'impulsivité et/ou aux relations interpersonnelles. Chez les enfants possédant ces tempéraments, les facteurs environnementaux peuvent alors limiter ou exacerber de façon importante ces traits de caractère innés.
Plusieurs études ont démontré que les troubles liés à la régulation des émotions ou à l'impulsivité sont proportionnellement plus élevés parmi les autres membres de la famille des patients. Le tempérament caractérisé par une inadaptation de l'affect/des émotions prédispose les personnes à être facilement bouleversées, fâchées, déprimées et anxieuses. Le tempérament relatif à l'impulsivité prédispose les personnes à agir sans penser aux conséquences ou même à rechercher sciemment les activités dangereuses. Le tempérament relatif à l'attachement perturbé repose sur une sensibilité extrême à la séparation ou au rejet. Une autre théorie suggère que les patients ayant un trouble de la personnalité limite naissent avec une agressivité excessive d'origine génétique plutôt qu'environnementale. Un enfant né avec un tempérament placide ou passif aurait peu de risque de présenter un trouble limite.
Un plus grand besoin d'affiliation chez les filles et un comportement plus instrumental chez les garçons expliqueraient en partie pourquoi le diagnostic est plus fréquent chez les femmes (environ 75%). Ce qui tend à démontrer que le trouble est, en tout premier lieu, d'ordre relationnel. A l'inverse, la personnalité antisociale se retrouve surtout chez les hommes (environ 75 % de ce diagnostic) et il pourrait s'agir d'un trouble lié principalement à l'action.
Le contrôle des impulsions, la régulation des émotions et la perception des signaux sociaux sont des tâches complexes nécessitant une fonction neurologique normale. Des recherches sur des patients ayant un trouble de la personnalité limite ont révélé une augmentation de l'incidence des dysfonctions neurologiques, souvent subtiles (exigeant un examen rigoureux). La partie principale du cerveau est l'encéphale, portion supérieure qui interprète l'information provenant des sens et d'où émanent la pensée consciente et les mouvements volontaires. Des recherches préliminaires ont démontré que les personnes atteintes du trouble de la personnalité limite ont une réaction sérotoninergique réduite lorsque ces zones du cerveau sont stimulées. Ces niveaux plus faibles d'activité cérébrale pourraient favoriser un comportement impulsif. Le système limbique, situé au centre de l'encéphale et considéré comme « le cerveau émotionnel », comprend les amygdales cérébelleuses, l'hippocampe, le thalamus, l'hypothalamus et des parties du tronc cérébral. Le volume des amygdales cérébelleuses et de l'hippocampe, au centre du fonctionnement émotionnel, serait plus petit chez les personnes atteintes du trouble de personnalité limite. Il faudra déterminer si de telles constatations neurologiques sont d'origine génétique ou environnementale.
En résumé, la recherche indique que les personnes qui éprouvent de la difficulté à contrôler leurs impulsions et leur agressivité ont des niveaux d'activité cérébrale réduits dans plusieurs zones concernées par ces phénomènes. D'après une théorie, des réductions d'activités mènent à des « erreurs » dans la cueillette, la dissémination et l'interprétation des données, ce qui rend ces personnes plus susceptibles à réagir selon un mode impulsif ou agressif.
B Facteurs psychologiques
Comme pour la plupart des problèmes de santé mentale, le trouble de la personnalité limite ne semble pas associé à une phase de développement précise, distincte. Des recherches tendent à démontrer que durant leur enfance, les personnes ayant un trouble limite n'arrivaient pas à établir des stratégies efficaces pour reconnaitre les sentiments et/ou pour identifier adéquatement les intensions de leurs actions et de celles des autres (problèmes au niveau de la « mentalisation »).
Ces enfants n'arrivent pas à développer des habiletés mentales de base qui leur permettent d'acquérir une identité stable, compréhensible et prévisible pour eux-mêmes ou pour les autres.
Une autre théorie a souligné le rôle important de l'environnement invalidant; i.e. lorsqu'un enfant en vient à croire que ses sentiments, ses pensées et ses perceptions sont inexacts ou sans importance. Soixante-dix pour cent (70 %) des gens souffrant du trouble de la personnalité limite ont signalé avoir subi des abus physiques et/ou sexuels durant leur enfance. Ces traumatismes peuvent contribuer à l'émergence de symptômes tels l'aliénation, la recherche désespérée de relations protectrices et la présence de sentiments intenses qui caractérisent le trouble de la personnalité limite. Comme il y a peu de gens ayant subi des abus physiques ou sexuels qui développent un trouble limite (ou tout autre trouble psychiatrique), il est essentiel de prendre en considération la prédisposition reliée au tempérament. Étant donné que le trouble de la personnalité limite peut se développer en l'absence de telles expériences, les traumatismes ne sont pas suffisants comme explication en soi. Malgré tout, l'agression sexuelle ou toute autre forme d'agression peut créer l'environnement invalidant « ultime ». En effet, lorsque la personne qui prend soin de l'enfant devient l'agresseur, celui-ci aurait besoin d'un clivage qui permettrait de nier les sentiments de haine et de dégoût à l'endroit de ce dernier et permettrait à l'enfant de préserver l'idée d'être aimé. On estime que 30 % des personnes ayant un trouble limite ont vécu la perte de leurs parents en bas âge ou une séparation prolongée d'avec eux. Ces expériences pourraient contribuer à la peur de l'abandon du patient atteint du trouble limite.
Ces patients ont fréquemment signalé s'être senties négligées pendant leur enfance. Parfois, la source de ce sentiment de négligence pourrait être attribuable au sentiment de ne pas être suffisamment compris. Les patients ont souvent signalé qu'ils se sentaient écartés ou détachés de leurs familles. Ils attribuent souvent ces difficultés de communication à leurs parents.
Cependant, leur capacité réduite de décrire leurs sentiments ou leurs besoins et de les communiquer ou la résistance à se confier pourraient contribuer de façon importante aux sentiments de négligence et d'aliénation.
Le thème de l'adoption, réelle ou imaginée, se retrouve souvent chez les personnes ayant un trouble limite. En effet, l'espoir et le fait de croire que si seulement des parents idéalisés et rassurants pouvaient être trouvés, les problèmes de leur vie seraient alors réglés, sont au cœur de ce que les patients atteints du trouble de la personnalité limite (qu'ils soient adoptés ou non) recherchent dans leurs relations avec les autres.
C. Facteurs sociaux et culturels
Les résultats de la recherche démontrent que 1 à 2% de la population présente un trouble de personnalité limite. Des facteurs sociétaux et culturels pourraient contribuer à la fluctuation de ce taux de prévalence. Vivre dans une société où le rythme de vie est rapide et stressant, où il y a une grande mobilité et où les situations familiales ont tendance à être instables à cause du divorce, de facteurs économiques ou d'autres pressions sur les parents/tuteurs, pourrait favoriser le développement de ce trouble.
D. État des théories concernant l'origine et la pathologie du trouble de la personnalité limite
Actuellement, les théoriciens cliniques sont d'avis que des composantes biogénétiques et environnementales doivent toutes deux être présentes pour le développement du trouble. Ces facteurs sont variés et complexes. La plupart des gens pourraient avoir une disposition neurobiologique au trouble. Différents types d'environnement pourraient aussi être propices au développement de ce trouble de santé mentale. Ainsi, les familles qui offrent des soins et une éducation acceptables pourraient constater que le trouble s'est développé chez leur enfant. Par ailleurs, plusieurs enfants subissent des ravages incalculables aux mains de leurs parents/tuteurs et ne manifestent pas de symptômes du trouble de la personnalité limite. La meilleure explication semble être celle de la confluence des facteurs environnementaux avec un enfant sensible, instable sur le plan affectif, qui éprouve de la difficulté à interpréter le monde, y compris la signification des comportements de l'adulte qui s'en occupe.
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